CULTURE SANG & OR

A la découverte du SARDARAPAT fc et du football arménien

L’Arménie, ce pays à la fois si proche et si lointain. Un territoire enclavé entre les mers Noire et Caspienne, les massifs caucasiens et iraniens. Une terre riche de son histoire, plus que millénaire, et de son peuple, confiné dans un territoire qui ne correspond en rien à la grandeur de son passé. L’Arménie était jadis un royaume qui s’étendait sur une grande partie de l’Anatolie, et dont le Mont Ararat, ou Massis, en était l’épicentre identitaire. Cette montagne sacrée qui surplombe la capitale arménienne et s’admire d’autant plus depuis les escaliers qui mènent au mémorial du cinquantième anniversaire de la Révolution d’Octobre. Qui résonne dans la culture biblique comme étant le lieu où l’Arche de Noé se posa.

L’Arménie, c’est également ce peuple qui, à la suite du dramatique génocide dont il a été victime, a été forcé d’émigrer aux quatre coins du globe. En France, aux États-Unis, en Amérique du Sud, mais également en Russie. Dans l’Hexagone, le grand porte parole et témoin de la cause arménienne est Charles Aznavourian, et chaque français qui se rendra sur place aura la délicate joie de s’en rendre compte. Dans le monde du sport, on pense également à David Nalbandian, génial tennisman argentin d’origine arménienne. Et dans le monde du ballon rond, la référence se nomme Henrikh Mkhitaryan, dont le père, Hamlet Mkhitaryan, porta les couleurs de l’ASOA Valence entre 1989 et 1994. Hayastan Barev !

Direction Armavir donc, à 45 kilomètres à l’ouest de la capitale Erevan. C’est ici que Sevan Karian, avocat au barreau de Paris et conseiller de joueurs (notamment d’Antoine Griezmann), a créé l’académie de football Sardarapat FC, avec l’appui de Joseph Oughourlian et de Noubar Afeyan, milliardaire canadien d’origine libano-arménienne. La ville de Sardarapat, qui jouxte Armavir, est un symbole fort de l’histoire arménienne ; c’est ici qu’en 1918 l’armée stoppa l’envahisseur Ottoman dans sa marche vers Erevan. Cette bataille victorieuse accoucha du traité de Batoum, à la suite duquel la république démocratique d’Arménie fut proclamée et reconnue. Jusqu’à son annexion par l’empire soviétique dès 1920. L’écusson du Sardarapat FC reprenant d’ailleurs les lignes du Mémorial.

Le partenaire principal du Sardarapat FC, l’Armenian Youth Association (AYO), et son partenaire technique, le RC Lens, l’accompagneront dans sa mission “d’améliorer les conditions de vie et d’éducation des enfants en Arménie, à travers des programmes innovants centrés autour du football.” Tout cela suivi depuis La Gaillette par Eric Assadourian, et dirigé in situ par Armen Sanamyan, ancien professionnel et titulaire du diplôme UEFA. L’Académie, actuellement classée 5e de son groupe (sur 7 équipes – 3 victoires, 2 nuls, 6 défaites), jouit d’infrastructures de haut niveau, comme en témoigne son stade, le Armavir City Stadium (3,300 places). Le complexe, qui regroupe trois pelouses en gazon, une pelouse synthétique et des espaces constructibles permettant de futures expansions, et dont la rénovation a été terminée fin 2021 en partie grâce à des financements de développement de l’UEFA, pourra également accueillir la sélection arménienne U23 ainsi que des matchs de première division.

Source : Sardarapatfc.am

Les premiers contacts rendus publics remontent à mai 2022, quand une délégation du RC Lens s’était rendue à Armavir afin d’échanger avec leurs homologues locaux. Une équipe de l’académie était également venue visiter les installations de La Gaillette. Le projet semble se reposer, à l’instar du RC Lens, sur le choix des hommes. Et des femmes. Comme en témoigne le choix de la directrice générale ; Anush Ananyan, qui officiait précédemment en tant que Secrétaire Générale au FC Pyunik, quinze fois champion d’Arménie (record) et actuellement tenant du titre. L’ambition est clairement affichée ; faire du Sardarapat FC la meilleure académie de football du pays. Le RC Lens, en tant que partenaire, lui ouvre ses portes afin de faciliter les échanges notamment sur les parties organisationnelle et méthodologique. Les équipes du petit frère arménien seront invitées à venir effectuer des stages à La Gaillette, et les meilleurs éléments pourraient à terme intégrer le RC Lens. 

L’Arménie est un formidable vivier footballistique, assurément sous exploité. Pour rappel, la grande équipe de France 98 comptait en son sein des cadres franco-arméniens : Youri Djorkaeff et Alain Boghossian. On peut également citer des joueurs de bons niveaux comme Pascal Bedrossian, Frédéric Tatarian ou encore Eric Assadourian. Et nos amis de Football Kentron, compte Twitter animé par des journalistes de la diaspora arménienne, ne nous contrediront pas. C’est Armen qui nous a répondu depuis Buenos Aires : “Le football arménien est une sorte de montagnes-russes”, nous explique-t-il. “Le potentiel est grand, si tu considères aussi bien les joueurs au pays et ceux issus de la diaspora”. Ajoutant que le potentiel n’a jamais cessé d’exister, et qu’il ne s’agit que d’un problème de structures. Car oui, il y a une dizaine d’années, l’Arménie a réussi à intégrer le Top 30 du classement FIFA (2014). Et récemment, la sélection arménienne a rejoint la Division B de la Nations League, bien que terminant à la dernière place de son groupe. Peu de temps après, la sélection subira la plus lourde défaite de son histoire face à la Norvège (9-0). Une défaite “traumatisante, qui résume bien ce qu’est le football arménien” regrette Armen. 

Le football domestique a toujours un fonctionnement très influencé par l’époque soviétique, avec un grand manquement de professionnalisme sur tous les fronts. Mais qui progresse, il faut le notifier” ajoute-t-il. “Le Pyunik est le club le plus important. Après quelques saisons difficiles, les nouveaux propriétaires ont relancé la machine, et ont permis au club de vivre une épopée historique en Coupe d’Europe, battant Cluj et le Slovan Bratislava, et faisant match nul contre le Sheriff Tiraspol”. Mais le football arménien reste à la merci des finances de ses clubs. Toutefois, Armen nous cite en exemple “le FC Urartu (ndlr : club actuel de Yaya Sanogo) est un des clubs qui performent le mieux en première division arménienne. Ce qui est particulièrement intéressant chez eux, c’est qu’ils se reposent sur leur formation. Leur centre de formation avait été géré par l’UEFA il y a une dizaine d’années et, depuis, c’est certainement le club arménien qui a le plus de joueurs arméniens dans son effectif. Ils ont en quelque sorte pris la place qu’occupait le FC Pyunik, qui a notamment sorti Henrikh Mkhitaryan”. 

Le RC Lens poursuit son développement à l’international. Cette fois dans une région encore très méconnue pour son football, mais qui semble prête à entrer dans le Grand Jeu du ballon rond. Le sport roi est de plus en plus globalisé, et les grands talents émergent de partout. Le Caucase ne fait exception. Alors que la future grande star du football arménienne, Eduard Spertsyan (natif de Stavropol, Russie, actuellement sous contrat à Krasnodar), est convoitée par les grands clubs d’Europe occidentale, que la sélection russe compte sur la pépite d’origine arménienne Arsen Zakharyan (Dynamo Moscou) et que le Napoli est actuellement porté par le fantasque ailier géorgien Khvicha Kvaratskhelia. Le Caucase, futur eldorado du football Sang et Or ? 

Le site internet du Sardarapat FC : https://www.sardarapatfc.am/fr/accueil/

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